Après mon explosion de joie d’hier, j’ai envie de revenir un peu sur ton interprétation d’Étienne, mercredi soir à Baltard. Oh, je ne vais pas me livrer à une analyse savante – à la Dédé les doigts de fée –, cela t’ennuierait sans doute un peu, et puis je ne suis pas un pro de la critique musicale. Je vais simplement te rapporter ces quelques lignes du quotidien La Provence. Elles résument assez bien, je crois, à quel point ton interprétation fut aussi séduisante qu’inattendue. « [Luce] restitue toute la perversité sadomaso du titre de Guesch Patti, ce côté strip-tease usé. Et en même temps, elle le confronte à son côté bonbon-bulle, fantaisie acidulée et pétillante. Mais là où ça devient génial, c'est lorsqu'elle évite le piège de la version originale d'Étienne : elle ne va surtout pas sur le terrain où la Guesch est inégalable, celui de la rage éraillée, elle se cantonne dans la vraie menace et les fausses menaces, c'est grand ! »
Je vais quand même te dire une chose plus personnelle : moi qui n’aimais guère l’interprétation originale de cette chanson (trop eighties, trop vieillie, trop entendue aussi), j’ai été conquis par ce que tu en as fait. Quel délicieux mélange de douceur, de sensualité brute, de rudesse, de tendresse, de rage amoureuse, de rock – avec une touche de punk surprenante mais bien agréable ! –, de transgression charnelle, avec ce petit grain baroque qui n’appartient qu’à toi ! J’en ai frissonné, j’en ai tremblé, j’en ai été submergé. J’étais si transporté que, lorsque tu as crié « Étieeenne ! », transperçant tout Baltard mais aussi mon cœur, j’ai cru, un instant, que tu hurlais « Hectooor ! » Oui, je sais, c’est grave. L’amour, ô Luce, est une maladie qui présente des symptômes étranges, parfois.
Une autre chose m’a marqué – et séduit – mercredi soir. Lors de ton trio avec Stéphanie et Lussi (le même qu’au théâtre !), j’ai tout de suite été frappé par votre habillement, à toutes les trois. Une tenue d’homme : pantalon noir, chemise blanche, bretelle, cravate, et petit feutre noir. Rares sont les femmes qui portent bien les vêtements masculins. Et tu les as portés à merveille. Cela t’allait bien, et je vais te confier un petit secret : une femme qui reste belle et féminine dans un habit d’homme est, à mes yeux, terriblement séduisante, sexy, excitante même ! À ma connaissance, avant que Coco Chanel et Yves Saint Laurent n’adaptent la garde-robe masculine au beau sexe, seules deux femmes ont su porter des vêtements masculins avec grâce et féminité : Greta Garbo – la Divine –, que tu peux voir sur la photo ci-contre, et Marlene Dietrich, qui portait, il faut bien le dire, la cravate ou même l’uniforme bien mieux que certains hommes eux-mêmes.
Marlene Dietrich, quel homme !
Te voir ainsi vêtue, donc, a été pour moi une surprise et un plaisir. Il ne te manquait, en somme, que ta belle petite moustache frisottante ! Reconnais, quand même, que sur ce coup-là, la porter de nouveau aurait été bienvenu. Même si je t’aime lisse comme un beau galet et si j’admire ton talent inouï pour l’épilation en trois secondes chrono, il m’arrive, c’est vrai, d'éprouver un peu de nostalgie pour ce bon vieux temps où tu arborais fièrement tes belles bacchantes. Qui sait, peut-être les reporteras-tu un jour ? Si t'es un homme...
À toi, amoureusement.