Nous sommes déjà lundi, et je n’ai toujours rien dit de ta dernière prestation à Baltard, jeudi dernier. Pourquoi ? je dois l’avouer : il m’a fallu du temps pour assimiler ce Louxor, j’adore que tu nous as chanté. C’est seulement aujourd’hui, je crois, que je commence à y voir plus clair, et à pouvoir exprimer clairement ce que j’en ai pensé.
Voilà une introduction bien étrange, me diras-tu ! C’est que, dans un premier temps, ton interprétation m’a laissé perplexe, sans que je comprenne vraiment pourquoi. D’abord, dès les premières notes, j’ai été ébloui par la véritable transformation que tu as apportée au tube de Philippe Katerine. Orchestration pêchue, entrée en scène fracassante, attaque fulgurante ! Superbe différenciation par rapport à l’original.
Puis, très rapidement, j’ai été perturbé par quelques éléments que je n’attendais pas. Ta voix, tout d’abord, étrangement transformée. Ta dégaine, bizarrement désarticulée. Ton look, enfin, presque outrageusement burlesque, avec ces braies à la Obélix, cette coiffure à la Chantal Goya de la grande époque, et cette bouche en fleur dessinée au rouge à lèvres, genre poulette à la Clara Bow.
Clara Bow, qui, avec sa bouche en cœur, a inspiré Betty Boop.
Ensuite, j’ai été très séduit par l’agilité avec laquelle tu as su… hausser le ton ! Puis couper le ton. Remettre le ton. Tous les tons. J’ai été déstabilisé par ces métamorphoses, par ce tourbillon qui t’a fait passer de l’attitude d’une marchande du faubourg Poissonnière à celle d’une Madame Loyal branchée, de celle d’une diva de comices agricoles à celle d’une comédienne du meilleur aloi.
Quel foutoir ! J’étais perdu. Je me demandais si l’arrangement n’étais pas exagéré ; si la production n’avait pas succombé à la tentation de forcer ton look ; si tout cela avait une cohésion, un sens. J’ai apprécié, dans l’ensemble, ce Louxor, j’en ai saisi l’extrême créativité, mais j’en ai gardé comme un étrange arrière-goût de « bling-bling » sur la langue.
J’aurais voulu que les appréciations du jury m’aident un peu à m’expliquer ce drôle de ressenti. Hélas, ce ne fut pas le cas. Lio s’est contentée de rattacher la chanson à ton univers – ce avec quoi je ne suis pas d’accord – et de se plaindre de quelques faussetés – ce en quoi elle n’avait pas tout à fait tort, mais mon avis sur la question est tranché et assumé : on s’en fout ! Marco Prince a fort bien corrigé le tir, mais sans livrer d’« explication de texte » à la Dédé Manoukian. Philippe Manœuvre s’est contenté de caser un dédéfi – l’« euphorie sur les marchés » ! –, et André Manoukian s’est perdu dans des circonvolutions poético-philosophiques. Tant pis pour ma pomme existentielle.
Alors j’ai laissé passer le temps. Pour que les choses se décantent dans mon esprit, et que j’y voie, de moi-même, un peu plus clair. C’est fait. Et le constat est accablant : je suis un vieux con. Trop conservateur, peut-être, dans mes approches musicales, je n’ai pas su saisir pleinement, sur l’instant, la véritable révolution que tu as opérée avec cette chanson. Quel art colle davantage que la musique aux états de la société ? Aucun. Et c’est à la lumière de cette évidence que j’ai compris.
Ton Louxor est à l’avant-garde de la sociologie musicale française contemporaine. Nous sommes en 2010, et les valeurs qui ont façonné la société depuis les années 80 s’effondrent ou sont menacées : le libéralisme économique, le formatage du goût, la tyrannie de la communication, etc. Et c’est là que tu as tout balayé, en nous livrant ce mélange détonnant mais absolument parfait de gouaille parisienne et de désinvolture provinciale. Tu as brisé les frontières du communautarisme, tu as réuni toutes les franges sociales dans le creuset de la déconnade, de la bonne humeur, de la désacralisation, mais aussi de l’unité prochaine d’une France réconciliée avec ses vieux démons pré et postindustriels.
Luce, égérie de la chanson des années 2010.
Et le retour du badge à message lumineux !
Et le retour du badge à message lumineux !
C’est peu dire, donc, que tu as créé quelque chose. Tu as véritablement remis au cœur de la modernité ce Louxor, sur la base de ce qu’avait inventé Philippe Katerine, mais en en renouvelant de fond en comble le contenu. Tu t’es imposée comme le fer de lance d’une musicalité nouvelle. Tu as transfiguré, par une synthèse miraculeuse, l’or en un or nouveau. Tu as enterré la chanson des années 2000 et ouvert la voie à celle des années 2010.
Me pardonneras-tu, Luce, de n’avoir pas saisi immédiatement cet échelon de ton génie ? Sois certaine, cependant, que mes doutes premiers n’ont, bien évidemment, aucunement altéré ni remis en cause mon amour pour toi. Comme je le déclarais récemment, « je ne me sens ni ne me définis comme un fan. Je ne suis pas un simple admirateur (…). Je [t]’aime, c’est très différent. Cela comporte une part d’admiration, bien sûr. (…) Mais tout cela ne représente qu’une partie de ce qui me relie à [toi]. » Quoi qu’il en soit, admiration et amour sont, aujourd’hui, pleinement entrelacés dans ce cri de joie et du cœur avec lequel je clos ce billet. Luce, je t’aime !
À toi, amoureusement.
Je n'ai également , pas reconnu sa voix...
RépondreSupprimerOui, ce fut étonnant, n'est-ce pas ?
RépondreSupprimerLuce avait, au début, comme des accents à la Olivia Ruiz. Ça m'a beaucoup surpris. Mais je réalise maintenant à quel point ce fut un coup de génie !
C'est drôle que tu insistes autant sur le fait que tu ne te définis pas comme un fan... une telle déclaration me rappelle le texte d'un sociologue sur les diverses catégories de fans (c'était le résultat d'une étude portant sur les fans des Beatles) - d'après lequel tu ferais partie, incontestablement, de la catégorie "fan cultivé" ! ;-))))
RépondreSupprimerSi je parviens à remettre la main sur ce texte, je te l'enverrai...
Pour le reste, j'ai beaucoup aimé ton analyse de la dernière interprétation de Luce. Dans le fond, Philippe Manoeuvre n'était pas si éloigné de ton ressenti, même s'il s'agissait juste de caser un dédéfi !
Selon moi, un « fan » est un « fanatique », donc un admirateur inconditionnel d'une personne (en général une star), sur laquelle il cristallise ses désirs, et à laquelle il est prêt à tout sacrifier, à tout aliéner.
RépondreSupprimerMais de mon côté, je garde ma personnalité, et vise avant toute chose non pas une reconnaissance de la part de Luce, mais bel et bien un vrai amour partagé !
Car ce n'est pas tant l'admiration que l'amour qui m'anime.
Je sais pas si j'ai été clair ! :{p
Si, si, bien sûr ! :D
RépondreSupprimerEnsuite, c'est juste une question de vocabulaire ! (Et dans ce domaine, les sociologues ont toujours été un peu... euh... différents).
Mais je suis quand même prête à parier que la plupart de ceux qui collectionnent les autographes et les posters de leur idole, et hurlent son nom à ses concerts, quitte à ne pas l'entendre, jureraient leurs grands dieux qu'ils ne sont pas fanatiques.
On lance un sondage ? ;-)))))
Le sondage est une bonne idée !
RépondreSupprimerPeut-être que je cache un peu pudiquement mes sentiments derrière une « fan attitude » ? Malgré moi ?
Cela dit, justement, je ne suis absolument pas du genre à collectionner les autographes (je m'en étais expliqué dans un de mes premiers billets), encore moins à hurler un nom dans un concert, même quand j'avais 20 ans ! Et si je croisais Luce dans la rue, lui courir après pour lui dire « C'est moi ! » serait bien la dernière chose que je ferais.
Ouf !
RépondreSupprimerNous n'aurons donc pas à t'envoyer un seau d'eau glacée à la figure ! :-))))
J'espère bien !
RépondreSupprimerC'est pas bon du tout pour ma belle moustache, ça, l'eau glacée. Ça la rendrait toute flasque !
elle te connais ?
RépondreSupprimer